Pourquoi Dieu a voulu révéler le contenu de ce chapitre.
Chapitre 51

Je suis celui qui ai été envoyé aux flancs de la Sainte Vierge , qui y ai pris chair et suis né. Mais pourquoi ? certainement afin de montrer par paroles et par effets la foi. Je suis mort pour ouvrir le ciel. Je ressuscitai de la sépulture, et je viendrai faire le jugement. Or , maintenant, les évêques étant assemblés , dites à l’archevêque : Vous admirez pourquoi je parle. Elevez vos yeux , voyez , écoutez et oyez. Ouvrez votre bouche, et demandez comment je suis méprisé de tous , comment je suis chassé de tous, et que personne ne me veut avoir en sa dilection . Or , préparez vos oreilles , et oyez que le cœur de l’homme est en cupidité insatiable , du soleil levant jusqu’au soleil couchant , voire cruel à épancher le sang de son prochain. Oyez que tout le monde s’habille superbement. Oyez que les voluptés des hommes sont irraisonnables comme celles des animaux.

Ouvrez votre bouche : enquérez-vous pour savoir quels sont les défenseurs de la foi , où on trouve quelques-uns qui combattent et abattent les ennemis de Dieu ; où sont ceux qui donnent leur vie pour le Seigneur. Informez-vous de cela diligemment, et vous en trouverez bien peu qui soient mes amis. Pensez à ces choses , et vous saurez que je ne parle pas sans sujet. Recherchez encore, et voyez quelle est la cour de Rome, qui devrait être mon siège, car comme siège il y a quatre colonnes qui l’appuient et le soutiennent, et un milieu où se repose celui qui y est assis , de même mon siège, que j’ai laissé aux souverains pontifes, devrait avoir comme quatre colonnes : l’humilité, l’obéissance, la justice et la miséricorde, et le milieu, la divine sagesse avec l’amour divin. Mais Rome est bien changée maintenant ! on a pris un siège nouveau, où est la superbe pour l’humilité, la propre volonté pour l’obéissance , l’amour de l’argent pour la justice , l’ire et l’envie pour la miséricorde ; le milieu n’est que d’être réputé sage et savant selon le monde. Voilà comme mon siège est renversé et changé.

Si vous voulez voir davantage, parcourez le reste des membres de ce chef et tout le clergé , et vous trouverez que moi , Dieu Créateur de tous, leur suis onéreux comme une pierre , je leur suis à goût comme le venin ; voyez comme je leur suis vil et abject ; voyez qu’est-ce qu’on me rend pour l’amour que je leur porte. Je les ai créés et les ai rachetés avec tant d’équité et de justice, que j’ai mis mon cœur comme dans une balance. Je suis né et j’ai été circoncis ; j’ai souffert diverses tribulations et angoisses ; j’ai ouï patiemment les opprobres ; j’ai été prisonnier , fouetté , lié de cordes , serré comme dans une presse ; mes nerfs étaient étendus ; mes veines se rompaient ; mes jointures étaient désemboitées ; ma tête était percée d’épines ; le sang coulait et se congelait sur ma face et en ma barbe ; ma bouche en était remplie, mes joues et tout mon visage en étaient tout difformes ; mes pieds, tirés en bas, n’avaient d’autre soutien que les clous ; tout mon intérieur était sec et aride ; mon cœur était tout plein de douleur , d’autant plus qu’il était d’une nature plus délicate ; ma douleur allait du cœur aux nerfs, et des nerfs retournait au cœur, et de la sorte la douleur se rengrégeait et la mort se prolongeait.

Or , demeurant ainsi plongé dans les douleurs , j’ouvris mes yeux et vis ma très-chère Mère abîmée dans les amertumes et les douleurs, ce qui m’affligeait plus que ma propre douleur ! Je vis aussi mes amis accablés de douleur et d’anxiété, dont les uns doutaient presque , dont les autres gardaient la foi, bien qu’ils fussent troublés plus qu’il ne fallait.

Or , étant en telle douleur et étant en un si grand malheur , mon cœur creva par le milieu , à cause de la violence de la douleur, et l’âme sortit et se sépara du corps, et étant sortie, ma tête se leva en haut un peu, et tous les membres se roidirent. Mes yeux paraissaient quasi à demi, mes pieds soutenaient tout le poids du corps, et étaient ainsi là pendus sur ce gibet. Voilà ce que moi , votre Créateur , ai souffert, et pas un ne se soucie de tout cela. C’est de quoi je me plains devant vous , afin que vous considériez qu’est-ce que j’ai fait et qu’est-ce qu’on me rend.

En deuxième lieu, je vous prie de travailler avec moi. Celui qui veut faire quelque chose doit avoir trois choses : 1° le sujet et la matière dont l’œuvre est faite ; 2° les instruments pour le faire ; 3° une diligente préméditation , afin qu’elle soit faite sagement. Je suis la sapience par laquelle toutes choses sont faites ; les instruments sont mes amis. Prenez donc mes paroles , et voyez si elles sont, non pas pourries, mais pures et entières, si elles ressentent à une foi saine et droite ; voyez si elles sont dignes de mon or ; considérez si elles conduisent de l’honneur du monde à l’honneur de Dieu , de la voie de l’enfer à la sublimité du ciel. Que si vous les trouvez ainsi, travaillez avec mes amis comme avec de bons instruments qui tendent à mon honneur ; travaillez sagement, comme un homme sage ; travaillez fortement, comme un homme généreux ; travaillez avec ferveur, comme un ami de Dieu.

En troisième lieu, je vous commande comme Seigneur de parachever ce que vous avez commencé. Vous avez marché par mes voies ; vous avez jeté le soc en la terre et l’avez cultivée. Maintenant je vous commande d’arracher les épines et d’édifier là une église des biens de votre église ; j’assigne cette partie de terre en vos mains : je la demande de vous. Partant, travaillez souvent et avec ferveur. Je commande au roi de se transporter à ses ennemis le plus tôt qu’il pourra. Que s’il pense que ce qu’il a fait pour moi est une grande chose , j’en ai fait de plus grandes pour lui, n’épargnant pas ma vie pour l’amour de lui. Je lui donnerai trois compagnons, deux qui aient l’intelligence spirituelle, le troisième qui entende les lois ecclésiastiques. Il commettra son royaume à l’évêque , qui aura pour compagnon un séculier qui ne recevra point d’argent pour la justice. Il ne craindra point l’homme en ses jugements ; il ne donnera point l’or pour l’air, ni ne prendra point la boue pour le ciel.

Je commande à l’évêque d’Aboen de rapporter cette affaire au pape, de n’en diminuer pas un mot , mais d’ajouter ce qu’il verra être convenable pour mon honneur et pour le salut des âmes.

Nous admirons pourquoi l’Esprit ne se retire de celui qui est obsédé, auquel on peut considérer ma justice, car je ne fais pas une moindre injure au diable qu’à l’ange dans le ciel , car la justice veut que comme quelque chose est arrivée, elle se retire en même manière : cet esprit est venu de loin et se retira de loin.

Il y a trois sortes de démons : L’un est comme l’air, qui se glisse facilement et entre en l’esprit de l’homme , afin qu’il parle de chose impudique ; celui-là entre et sort facilement. Cet esprit fut en cet enfant , comme je vous l’ai manifesté.

Le deuxième est comme un feu qui vexe le corps et la chair par impatience, et rend le vie de l’homme amère , de sorte qu’il aimerait plutôt mourir que vivre , et par impatience , il est emporté à tout ce que cet esprit lui suggère. Celui-là aussi entre et sort facilement, laissant néanmoins une infirmité dans le corps. Cela était en cette femme-là.

Le troisième est comme la fumée, et où il entre, il entache tout et se mêle partout ; aussi cet esprit se mêle au corps et en l’esprit. Partant , comme la fumée , trouvant un trou ouvert , sort petit à petit et demeure longtemps , de même cet esprit qui a commencé de sortir , à la parole sortira petit à petit , jusques à ce qu’il en sera tout à fait affranchi. Quand tout autant de larmes seront versées dignes et dues pour cela , il sortira tout entièrement , et il se connaîtra purifié , car comme il est entré de loin , la justice veut qu’il sorte peu à peu.