Jésus-Christ parle : Je vous conseille d’avoir quatre heures pour dormir avant
minuit , et quatre heure après , et que celui qui ne peut en ait la volonté, et
il lui profitera. Qui peut diminuer quelque peu de son sommeil, de sorte que ses
sens et ses forces n’en soient trop languissants, en aura plus grande
récompense. Ensuite ayez quatre heures pour dire vos prières et faire autres
œuvres dévotes et utiles, afin que vous ne perdiez aucune heure sans faire
quelque fruit. Vous resterez une heure à table , lequel temps vous ne devez
prolonger sans cause raisonnable ; mais si vous avez plus tôt fait, vous en
recevrez la récompense.
Vous aurez six heures pour faire les œuvres nécessaires
qui vous sont permises et enjointes, après quoi vous prendrez deux heures pour
dire vêpres, complies et autres dévotes prières, lesquelles finies, vous
emploierez une heure pour le souper avec honnête consolation pour soulager le
corps. Vous levant du lit, vous garderez le silence durant quatre heures, lequel
vous ne romprez sans licence , et ne répondrez , même aux choses nécessaires, si
on vous interroge , que le plus succinctement que vous pourrez. Ce temps écoulé
, une honnête et modérée récréation vous sera permise. Vous garderez le silence
depuis grâces jusques aux oraisons qui vous seront enjointes. Quand aux six
heures, vous les emploierez, selon le commandement de votre directeur, ou à
apprendre, ou au travail de quelque chose utile , pendant lequel temps il vous
sera loisible de vous entretenir de discours honnêtes et hors d’occasion
d’offenser Dieu. Vous garderez le silence à vêpres et à complies , lesquelles
finies , vous vous pourrez entretenir de choses honnêtes durant le peu de temps
qui reste jusques au souper, et du souper jusques à votre coucher.
J’ai dit dans l’Evangile que qui donnera un verre d’eau en mon nom , en sera
récompensé. Et je vous dis que tous ceux qui, en mon honneur , entreprennent et
accomplissent dévotement quelque abstinence , si petite qu’elle soit , méritent
récompense. Vous savez les jeûnes que vous êtes tenue de garder en voyage. Si
vous étiez dans le monastère , vous auriez peut-être plus de repos ; prenez donc
avec discrétion ce qui vous est nécessaire pour sustenter le corps ; usez du
potage , soit de choux , soit de quelque autre espèce , mais pour l’amour de
Dieu, n’en ayez pas de plusieurs en même temps. Quant à la chair et au poisson ,
ne vous en faites servir à table que deux espèces , ou qui plus est, n’en prenez
point pour l’amour de moi.
Mangez du pain qu’on vous donnera ; que s’il vous en
faut plus qu’on ne vous en a servi, demandez-en en mon nom à votre maître. Usez
du breuvage de même que du pain. Sachez que le malade ne peut vivre aussi
exactement selon la règle que celui qui est robuste et en bonne santé, c’est
pourquoi il peut demander et prendre ce qui lui est nécessaire. De plus, attendu
que vous avez résolu de ne posséder rien, vous ne devez aussi rien donner ni
accepter, s’il vous est offert sans licence. Je vous avertis encore que le
diable à toute heure vous dresse des piéges, c’est pourquoi je vous conseille de
noter les paroles que vous direz par mégarde au temps du silence, et que , vous
en étant confessée, vous en fassiez satisfaction.
Que si vous avez proféré des
paroles inutiles ou peu discrètes , il faut alors que la satisfaction en soit
plus grande. Si quelqu’un, emporté par un premier mouvement , contredit en
colère un autre , qu’il cherche le plus tôt qu’il lui sera possible lieu propre
à réciter un Ave, Maria, et à demander humblement pardon à Dieu. Que chaque
vendredi vous veniez au chapitre avec volonté de ne celer pas un de vos défauts
ou d’y persévérer , mais de les corriger tous avec humilité , selon qu’il vous
est enjoint.
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