Jésus-Christ reprend une certaine dame de plusieurs graves excès , lui déclare la punition qu’elle mérite pour ses fautes , et qu’en vertu de la pénitence et satisfaction, il change sa justice en miséricorde.
Chapitre 75

L’épouse ouït les discours suivants, que Jésus-Christ tenait à une dame : Tes yeux ont été portés par la curiosité à voir toutes choses voluptueuses, tes oreilles à ouïr bouffonner ou te louer, ta bouche prête à la détraction et à la vanité ; ton ventre, à qui tu n’as rien rien refusé, a été plein de délices. Tu ornais ton corps pour ta louange, et non pour la mienne , au delà de toute croyance. Mes amis étaient à ta porte , misérables, nus et faméliques ; ils criaient et tu ne les voulais ouïr ; s’ils désiraient d’entrer, tu les menaçais de ton indignation ; tu leur reprochais leur misère et te moquais d’eux, au lieu d’en avoir compassion. Tout travail entrepris pour l’honneur de ton corps te semblait léger , mais au contraire pesant, et comme insupportable tout ce qui était pour mon honneur. Tu te couchais et levais à ton plaisir, sans avoir égard à ma justice. Tu cherchais tout ce qui ne semblait beau au monde , et tu as méprisé le Créateur du monde.

Pour ce, si je te traitais selon la justice, pour la superbe de ton maintien et de tes actions, tu serais en abomination à toutes les créatures, confuse de honte et d’opprobres. Pour ta luxure , tes membres seraient tous séparés l’un d’avec l’autre, ta chair consumée en pourriture , ta peau si bouffie qu’elle en romprait, tes yeux arrachés , ta bouche de travers , ton nez, tes pieds et tes mains tronqués. Pour avoir méprisé les pauvres et mes amis , et pour ton avarice , tu mérites d’être saisie d’une faim si enragée que tu déchirasses ta chair et dévorasses les excréments de ton corps, sans en sentir aucun soulagement. Pour ta paresse, tu serais en perpétuelle misère et tristesse.

Pour la faveur et amour des hommes , que tu as tant recherchés, et non le mien, tu mérites d’être tellement abandonnée de tous, que tes plus grand amis, et même tes enfants , t’eussent en horreur et s’éloignassent de toi comme d’une charogne puante et insupportable à leur vue, aimant cent fois mieux ouïr les nouvelles de ta mort qu’avoir la rencontre de ton entrevue. Pour les maux que tu as faits à ton prochain , lui ravissant ou retenant son bien, pour en accroître ta superbe , tu devrais être hachée à petits morceaux, et pour n’avoir eu compassion de ses misères , tu devrais être sciée en plusieurs pièces et piquée de plusieurs poinçons bien acérés. Pour l’envie et la colère dont tu étais gonflée, tu mériterais d’être dévorée des démons et brisée sous leurs dents comme farine , sans pouvoir mourir , capable de souffrir à jamais le même supplice :
Néanmoins, parce que je suis miséricordieux, et ne fais point justice sans miséricorde, ni miséricorde sans justice, je suis prêt à faire miséricorde à tous ceux qui font pénitence, sans quitter pourtant la justice , car je ne fais que modérer les peines, en quoi je ne fais tort, ni aux démons dans l’enfer, ni aux bons anges dans le ciel. Bref ayant offensé Dieu par toutes les parties de ton corps, tu dois en toutes en faire pénitence , pour recouvrer, par un petit travail, un grand repos et des biens inestimables.

Que ta bouche soit fermée au babil et parole indiscrètes, tes oreilles bouchées à la détraction, tes yeux clos aux regards curieux et inutiles. Que tes mains soient toujours ouvertes pour donner libéralement aux pauvres ; fléchis tes genoux pour leur laver les pieds. Privé ton corps de toutes délices, et le remets à tel point que le trop de gaillardise ne lui nuise à la persévérance de mon service. Que tes vêtements soient tellement accommodés à la modestie , que la nécessité ou l’utilité seule y ayant place , pas un fil ne puisse donner soupçon de superbe.