La bienheureuse Vierge donne ici quelques conseils aux princes d’un royaume, afin que le roi d’icelui se corrige de quelques excès.
Chapitre 80

La Vierge Marie, Mère de Dieu, parlait à l’épouse de Jésus-Christ, disant : Je suis celle à qui l’ange dit : Je vous salue, pleine de grâce : c’est pourquoi aussi je présente ma grâce à tous les nécessiteux qui me la demandent, et offre mon secours pour le gouvernement du royaume où vous êtes née, contre les ennemis corporels et spirituels, les habitants duquel j’avertis de travailler unanimement, afin qu’ils obtiennent un roi qui veuille gouverner les habitants aux œuvres dévotes et à la conversation honnête, auxquels faites savoir que la divine justice propose de séparer le roi et toute sa génération du gouvernement de ce royaume, et d’élire roi un autre né dans le royaume, qui régnera selon le conseil des amis de Dieu et l'utilité du royaume.

Faites donc quatre choses selon mon conseil, afin que vous puissiez attirer à vous plusieurs; ayez ce conseil secrètement avec les amis de Dieu et caché à ses ennemis, afin que l’honneur de Dieu soit augmenté, que la bonne conscience soit renouvelée, et que les choses aliénées de la couronne soient rétablies.

Donc, qu’un de vous ou plusieurs aillent au roi, lui disant : Nous avons à vous dire des choses qui touchent le salut de votre âme, que nous vous prions de tenir comme sous le sceau de confession; ajoutez-y aussi plusieurs paroles, comme vous trouverez expédient, pourvu que le sens en soit tel : Vous avez une mauvaise renommée en tout votre royaume : on dit, 1° que vous êtes sodomite, ce qui est vraisemblable, d’autant que vous aimez plus quelques hommes que Dieu, votre âme et votre femme; 2° on doute si vous avez une foi droite, car étant interdit par l’Église, vous entrez dans l’église et y oyez la messe; 3° vous êtes un larron de votre couronne et des biens du royaume; 4° vous êtes traître à vos domestiques et à vos sujets qui vous servaient fidèlement, vous et votre fils, et que vous avez volontairement livrés ès mains de leurs ennemis très-méchants, en considération desquels la terre de Satan n’a jamais été assurée en leurs mains, tandis qu’ils ont vécu.

Si vous êtes résolu d’amender vos péchés et de recouvrer les terres aliénées, nous vous servirons; si autrement, commettez-en l’affaire à votre fils sous jurement de les recouvrer, d’aimer le bien public, d’assister les soldats qui vous sont fidèles et de gouverner toutes choses selon les lois de la patrie. Sachez néanmoins que Dieu a prévu et pourvu pour soi un roi pour l’avenir, qui puisse avec moins de dommage et de danger, pourvoir à son royaume, car le Seigneur a puissance d’abréger aussi bien la vie du jeune que du vieux, ou le chasser autrement de son royaume ou le protéger. Que s’il ne veut obéir, que vous consultiez secrètement quelques-uns des princes et chevaliers du royaume, et quand vous trouverez quelques-uns bienveillants, inclinants et fidèles à ce, dites-leur en public que vous avez dit en secret que vous ne voulez point servir aucun hérétique, ni traître, ni même son fils, s’il désire être imitateur des crimes de son père.

Cela étant fait, élisez prince un de vous, qui puisse combattre de la part de la couronne, lequel étant élu, s'il est parfait en bonté, sera mon ami; s’il ne l’est, il sera mon ennemi et sera bientôt effacé. Vous lui baillerez de l'argent et choses semblables, et moi, je lui donnerai un cœur généreux, afin que celui qui n’a voulu obéir franchement, obéisse par contrainte. Que si le roi se veut retirer de son royaume, donnez-vous garde de l’imiter.