Il semblait à sainte Brigitte que la Sainte Vierge était auprès d’elle ; à sa
droite étaient plusieurs instruments avec lesquels elle se pouvait défendre de
tous les périls et dangers, et qu’à gauche étaient comme des armes propres pour
punir ceux qui, par leur mauvaise volonté, s’étaient damnés. Lors la Sainte
Vierge dit à l’épouse : Comme vous voyez divers instruments, chacun propre pour
son ouvrage, de même je viendrai au secours de tous ceux qui craignent et aiment
mon Fils, et qui résistent généreusement contre les tentations de Satan.
Ceux-là sont comme assis entre les murs du camp, combattant tous les jours contre les
ennemis, les malins esprits, auxquels je viens en défenderesse avec mes armes ;
et cependant que les ennemis s’efforcent de percer la muraille et de la
détruire, j’y mets un appui ; s’ils s’efforcent de monter par des échelles, je
les fais trébucher avec des fourches ; s’ils s’efforcent de faire des trous en
la muraille, je les bouche dès l’instant. C’est en cette manière que j’aide tous
ceux qui veulent se réconcilier avec mon Fils et ne pécher désormais à escient
; et bien que j’aie nommé trois sortes d’instruments, j’aide et défends mes amis
d’un nombre quasi infini d’autres instruments qui sont à gauche : je veux vous
en nommer trois.
Le premier est mon glaive, qui est fort aigu et tranchant ; le deuxième est un
lacet ; le troisième, c’est le bois pour brûler ceux qui ont la volonté de
pécher jusques à la fin, à laquelle ils se condamnent aux peines éternelles ;
car quand l’homme fait résolution de pécher toute sa vie, il faut que la justice
divine le condamne aux peines éternelles ; et comme on a accoutumé de punir les
forfaits en terre par diverses morts, de même a-t-on accoutumé de punir en enfer
les damnés par divers genres de supplices : partant, quand l’homme veut pécher
durant toute sa vie, il est digne que le diable ait puissance sur son corps et
sur son âme.
Et comme est coupée des os, de même il sera au pouvoir du diable de
séparer le corps et l’âme d’une peine très-amère, comme si la chair était
séparée des os avec une pierre, et qu’il pût vivre longtemps en cette peine.
Sachez néanmoins pour certain que quand quelqu’un serait livré au diable à
raison de l’énormité de ses crimes, Dieu ne lui ôterait point la grâce de se
repentir, tant que l’âme sera avec le corps et que l’homme sera en bon sens.
Mais Dieu abrégera les peines à ceux qui n’obtiendront point le temps de se
repentir, afin que le diable n’ait pas autant de puissance, pendant la vie,
qu’il en a dans l’enfer ; car comme si quelqu’un sciait le col de quelqu’un pour
lui causer une plus grande douleur, de même le diable en fait en enfer contre
l’âme vivante en la mort éternelle. Le lacet signifie la douleur que l’âme
damnée souffrira après la mort, qui sera plus grande que la vie n’a été longue
au monde.
Et le diable voudrait que celui qui a volonté de pécher vécût plus
longtemps, afin qu’il le pût plus faire endurer dans l’enfer : partant, ma grâce
a rompu ce lacet que vous voyez, c’est-à-dire, elle a abrégé la vie misérable de
la chair contre la volonté du diable, afin que la peine ne soit si grande que
l’ennemi désire. Le diable allume le feu aux cœurs de ses amis, qui vivent en
leurs voluptés ; et bien que leur conscience leur dise que cela est contre Dieu,
néanmoins, ils veulent satisfaire à leurs voluptés, ne se souciant de Dieu :
c’est pourquoi le diable a droit d’allumer autant de fois les feux de l’enfer
qu’ils ont accompli dans le monde leurs perverses voluptés.
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