De la recommandation de saint François et de la répréhension de ses frères.
Chapitre 90

Sainte Brigitte, étant en Assise en l’église des Frères mineurs, ouït et vit Jésus-Christ qui lui disait : Mon ami François est descendu, du mont des délices, en une grotte où son pain était la divine charité, sa boisson les larmes continuelles, son lit la méditation de mes œuvres et de mes commandements. Or, maintenant ses Frères montent en la montagne des soins et des délices du siècle, et ne considèrent point l’humilité et la consolation dont leur père et mes amis jouissaient. Mais dites, qu’avez-vous en votre cœur ? Pourquoi vous troublez-vous ? Oui, dites-le, bien que je sache toutes choses. Elle dit : Je me trouble, d’autant que plusieurs disent que ce saint a controuvé ces indulgences, et quelques-uns disent qu’elles sont nulles.

Jésus-Christ lui dit : Celui qui controuve quelque chose est semblable à l’hirondelle qui se laisse emporter aux faveurs des flatteurs ; mais mon ami fut comme un feu embrasé et une pierre enflammée, d’autant qu’il m’avait en soi, moi qui suis le feu divin. Et comme le feu et la paille ne sont pas bien ensemble, de même la fausseté n’a point de lieu où sont la vérité et la charité divines. Or, mon ami François a dit la vérité : et d’autant qu’il voyait la froideur des hommes du monde envers Dieu et la cupidité vers le monde, il me demanda un signe de charité pour animer les hommes à la charité et diminuer leur cupidité. Je lui ai donc octroyé ce don, me le demandant en charité, à moi qui suis la charité même, savoir, que tous ceux qui viendraient en ce lieu vides du péché, seront remplis de bénédiction, et obtiendront indulgence plénière.

La sainte répondit encore : Mais quoi ! ô mon Seigneur, votre lieutenant doit-il révoquer ce que vous avez donné?

Jésus-Christ répondit : Il est certain, ce que j’ai dit à saint Pierre et à ses successeurs, que tout ce qu’il liera sera lié. Néanmoins plusieurs choses données sont ôtées à raison de la malice des hommes, et les mérites et les grâces sont augmentées à raison de la foi.