Mon ennemi a en soi trois démons : le premier réside dans les parties de la génération, le deuxième dans son coeur, le troisième dans sa bouche.
Le premier est comme un pilote qui fait entrer dans le navire l'eau, qui peu à peu le remplit ; et après, l'eau débordant, le navire est submergé. Ce navire est son corps agité par les tentations du démon, assailli comme par les vents de ses propres cupidités, et dans lequel les eaux de la volupté sont d'abord entrées par le navire, c'est-à-dire, par la délectation qu'il prenait en de telles pensées ; et parce qu'il n'y résistait pas par la pénitence, qu'il ne le réunissait pas par les clous de l'abstinence, l'eau de la volupté allait toujours croissant et à cela se rajoutait le consentement ; et de là, le navire étant rempli de la concupiscence du ventre, l'eau redondait et couvrait de volupté le navire, afin qu'il n'arrive pas au port du salut.
Le deuxième démon, qui réside dans le coeur, est semblable au vermisseau qui est dans la pomme, qui ronge d'abord le dedans, et qui, ayant laissé là sa fiente, entoure toute la pomme, jusqu'à ce qu'il l'ait toute gâtée. Le diable en agit de même ; en effet, en premier lieu, il gâte la volonté et ses bons désirs, qui sont comme le cerveau, où subsiste toute la force, tout le bien de l'esprit ; et ayant vidé le coeur de tous ses biens, il y laisse des pensées et des affections du monde de ceux qu'il a aimés le plus. Maintenant il pousse son corps à ses plaisirs, par lesquels la force divine est diminuée et la connaissance affaiblie; et le dégoût, le dédain de la vie vraie vient de là. Certes, cet homme est une pomme sans cerveau, c'est-à-dire, un homme sans coeur, car sans coeur, il entre dans mon Église, d'autant qu'il n'a aucune charité divine.
Le troisième démon est semblable à un archer qui guette par la fenêtre ceux qui n'y prennent pas garde. Comment se pourrait-il que le démon ne dominere pas celui sans lequel il ne parle jamais ? car ce qu'on aime le plus, c'est ce dont on parle le plus souvent. Ses paroles amères, avec lesquelles il blesse les autres, sont commes des traits acérés qui sont dardés par autant de fenêtres que le diable est nommé par lui, que l'innocent est déchiré par ses paroles, et que les simples en sont scandalisés.
Partant, moi, qui suis la Vérité, je jure que je le condamnerai comme une abominable courtisane au feu de soufre, à avoir les membres coupés, comme un déloyal et un traître, et comme celui qui méprise son salut, à la confusion éternelle ; mais toutefois, tant que le corps et l'âme seront ensemble en cette vie, ma miséricorde lui est offerte. Or, voici ce que je demande et exige de lui, à savoir qu'il assiste souvent aux choses divines ; qu'il ne craigne nulle opprobre ; qu'il ne désire aucun honneur, et que le nom sinistre du diable ne soit jamais prononcé en lui.
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