Paroles de l'Époux et l'épouse en une très belle figure. Magicien, par lequel le diable est admirablement désigné et signifié.
Livre 1 - Chapitre 21

L'époux parlait en figure à son épouse, rapportant l'exemple de la grenouille et disant :
"Un magicien avec de l'or très bon et très brillant. Un homme simple et doux, voulant l'acheter, alla vers le magicien, qui lui dit : Vous n'aurez pas cet or, si vous ne m'en donnez de meilleur et en plus grande quantité. Cet homme simple répondit : Je désire tant votre or que j'aime mieux vous en donner tout ce que vous voudrez que de ne point l'avoir. Et ayant donné au magicien un or meilleur et en une plus grande quantité, il reçut de lui cet or splendide et le mit en son cabinet, pensant en faire un anneau pour son doigt.

Or, un peu de temps s'étant écoulé, le magicien vint vers cet homme simple et lui dit : L'or que vous m'avez acheté et que vous avez mis dans votre cabinet, n'est pas de l'or, mais une grenouille très vile, qui a été nourrie dans ma poitrine et nourrie de ma viande. Et comme il voulut en faire l'expérience, la grenouille apparut en son cabinet, dont le couvercle pendait sur les quatre gonds, comme s'il venait de tomber à l'instant. Lors, ayant ouvert la porte du cabinet, et ayant vu le magicien, celle-ci se jeta sur sa poitrine. Voyant cela, les serviteurs et les amis de cet homme simple lui dirent : Seigneur, l'or est caché dans la grenouille, et si vous le voulez, vous pourrez heureusement l'avoir.

Comment le pourrai-je avoir, dit-il ? Ils lui dirent : Si l'on prenait une lancette fort aiguë et fort chaude, et qu'on l'enfonçât dans le dos de la grenouille, où il est caché, alors soudain il pourrait avoir cet or. Que si l'on ne peut trouver de creux en elle, il faudrait alors enfoncer puissamment et profondément la lancette, et ainsi, vous pourriez avoir ce que vous avez acheté.

Qui est ce magicien, sinon le diable, qui persuade aux hommes les plaisirs, les délectations et les honneurs du monde, qui ne sont qu'une grenouille ? Car il assure que le faux est vrai, et fait voir le vrai faux ; car il possède cet or précieux, c'est-à-dire, l'âme que j'ai faite, par la puissance adorable de ma Divinité, plus précieuse que les étoiles et les planètes ; que j'ai créée pour moi immortelle, stable et délectable par-dessus toutes choses, et lui ai préparé avec moi une habitation, un repos eternel.

J'ai racheté cette âme de la puissance du démon avec un meilleur or et un plus grand prix, quand, par amour pour elle, j'ai donné ma chair exempte de péché et impeccable, et ai souffert une si amère passion qu'aucun de mes membres n'a été sans quelque blessure ; et en la créant, je l'ai mise en son corps comme dans un cabinet, jusqu'à ce que je la place dans la dignité suréminente de ma Divinité. Or, maintenant, l'âme étant rachetée de la sorte, elle est devenue comme une grenouille très laide et très vile, sautant par la superbe, et demeurant dans le bourbier par la luxure, et elle a enlevé mon or, c'est-à-dire, ma justice.

Et partant, le diable peut me dire à bon droit : L'or que vous avez acheté n'est pas de l'or, mais une grenouille nourrie au sein de mes plaisirs. Séparez donc le corps de l'âme, et vous verrez qu'elle s'envolera soudain dans mon sein où elle a été nourrie. Je réponds à cela : Vu que la grenouille est horrible à voir, facheuse à écouter, vénéneuse à l'attouchement, et qu'elle ne m'apporte aucun bien, aucun plaisir, mais bien à vous, qui l'avez nourrie dans votre poitrine, elle vous appartient de droit.

Partant, séparée du corps, elle s'envolera soudain pour demeurer éternellement avec vous. Car telle est l'âme de celui dont je vous parle : certes, elle est comme un grenouille pernicieuse, pleine d'immondicités, et nourrie de voluptés infâmes dans la poitrine de Satan. J'approche maintenant de son cabinet, c'est-à-dire, de son corps, par l'approche de la mort, qui pend sur quatre gonds qui tombent en ruine, attendu que son corps subsiste par quatre choses : par la force, la beauté, l'aprêtement, le regard, qui tous commencent à défaillir et à se flétrir.

Quand l'âme sera séparée du corps, elle s'envolera soudain vers le diable, du lait duquel elle est nourrie, d'autant qu'elle a oublié mon amour, qui m'avait fait anéantir et subir la peine et le supplice qu'elle méritait ; car elle ne me rend pas plaisir pour plaisir ; mais elle ôte plutôt ma justice : elle devait me servir mieux que cela, d'autant que je l'avais rachetée plus qu'aucune autre créature ; mais elle aime mieux être avec le démon. La voix de son oraison m'est comme la voix de la grenouille ; sa vue m'est abominable ; son oreille n'entendra jamais ma joie mélodieuse ; son attouchement envenimé ne sentira pas ma Divinité.

Mais néanmoins, parce que je suis miséricordieux, son âme, bien qu'elle soit immonde, si quelqu'un la sondait et considérait s'il y a en elle quelque contrition ou quelque bonne volonté, et enfonçait en son esprit une lance pointue et fervente, c'est-à-dire, la crainte de mon sévère jugement, son âme trouverait encore ma grâce, si elle voulait y consentir. Que s'il n'y avait en elle ni contrition ni charité ; si quelqu'un la piquait d'une mordante correction et d'une dure répréhension, il y aurait encore en elle quelque espérance, car tant que l'âme vit avec le corps, ma miséricorde infinie est ouverte à tous.

Voyez donc que je suis mort pour la charité, et personne ne me rend la charité, mais me ravit ma justice, car il serait juste que les hommes vivent d'autant mieux qu'ils ont été éminemment rachetés d'un plus grand labeur. Mais maintenant, ils veulent vivre plus mal que je les ai plus amèrement et plus précieusement rachetés, et veulent pécher d'autant plus perfidement que plus je leur ai montré l'abomination de leur péché. Partant, voyez et considérez que je ne me courrouce pas sans sujet, car ils convertissent ma grâce en leur malheur ; je les ai rachetés du péché, et ils se plongent de plus en plus dans le péché. Vous donc, ô mon épouse ! rendez-moi ce que vous me devez, c'est-à-dire, gardez-moi votre âme pure, car je suis mort pour vous, afin que vous la gardiez pure et intacte.