Jésus-Christ est comparé à un puissant seigneur qui édifie une grande cité et un très beau palais, par lesquels sont signifiés l’Église et le monde. Comment les juges et les défenseurs, et ceux qui travaillent en l’Église de Dieu, sont changés en un méchant arc.
Livre 1 - Chapitre 55

Jésus-Christ disait : Je suis semblable à un puissant seigneur qui, édifiant une cité, la nomme de son nom propre, puis bâtit un palais dans cette cité, où il y avait diverses demeures pour serrer les choses nécessaires. Ce palais étant bâti et toutes ses affaires disposées, il range son peuple en trois parties et le met par ordre.

Mes voies, dit-il, sont dans les lieux et dans les demeures les plus éloignées. Travaillez courageusement pour mon honneur, car je vous ai ordonné et assigné les choses qui vous sont nécessaires et ce qui est de votre vie. Vous aurez des juges qui vous jugeront ; vous aurez des défenseurs qui vous défendront de vos ennemis. Je vous ai aussi constitué des personnes pour travailler, qui vous nourriront, et me payeront de leur travail la dixième partie, qu’ils réserveront à mon honneur et utilité.

Mais quelque temps s’étant écoulé, le nom de la cité s’est oublié, et alors les juges ont dit : Notre maître et seigneur s’en est allé en des lieux fort éloignés. Rendons un jugement droit, et faisons la justice, afin que nous ne soyons pas repris lorsqu’il sera de retour, mais que nous en remportions de l’honneur et de la bénédiction. En même temps, les défenseurs dirent : Notre maître et seigneur se confie en nous et nous a laissé la garde de sa maison ; abstenons-nous donc de trop boire et de trop manger, de peur que nous ne soyons inaptes au combat ; abstenons-nous aussi du sommeil désordonné, de crainte que nous ne soyons déçus à l’improviste et faute d’avoir été sur nos gardes ; soyons bien armés et veillons continuellement, de peur que nous ne soyons prêts quand nos ennemis viendront pour nous assaillir, car l’honneur de notre maître est en nous, et le salut de son peuple dépend entièrement de nous.

Alors aussi ceux qui travaillent dirent : C’est la plus grande gloire de notre maître et seigneur, et la récompense qu’il nous garde est glorieuse. Travaillons donc vaillamment, et donnons-lui non seulement la dixième partie de notre labeur, mais offrons-lui tout ce qui sera superflu à notre vie, car notre récompense sera d’autant plus glorieuse qu’il verra que notre charité sera fervente.

Après ces choses, derechef, quelque temps se passant, le maître de la cité et du palais a été mis en oubli ; et alors les juges dirent en eux-mêmes : Notre maître demeure longtemps en son voyage ; nous ne savons s’il reviendra ou non ; jugeons donc selon notre volonté, et faisons ce que nous trouverons bon de faire.

Après, les défenseurs dirent : Nous sommes bien insensés, attendu que nous travaillons, et nous ne savons quelle récompense nous en aurons : faisons plutôt paix et alliance avec nos ennemis, et nous dormirons et boirons avec eux, et nous n’aurons point de souci de savoir quels auront été nos ennemis.

Puis ceux qui travaillent dirent : Pourquoi gardons-nous pour un autre notre or, notre trésor, et nous ne savons pas qui est celui qui l’emportera après nous ? Il vaut mieux donc que nous nous en servions nous-mêmes et que nous en disposions à notre volonté ; certes, donnons-en la dixième partie aux juges ; quand ils seront apaisés et adoucis, nous pourrons faire ce que nous voudrons.

Vraiment, je suis semblable à ce puissant seigneur, dit la Sagesse infinie : je me suis édifié une cité, c’est-à-dire le monde, où j’ai bâti mon palais, c’est-à-dire, mon Église. Le nom du monde a été ma divine sagesse, parce que, dès le commencement, il a eu ce nom, d’autant qu’il était fait par ma main toute-puissante et par ma sagesse infinie. Ce nom était profondément révéré et honoré de tous, et Dieu était loué merveilleusement, publié et annoncé par ses créatures, à cause de l’insondable abîme de ma sagesse.

Mais maintenant, le nom de la cité est déshonoré et changé, et on a joint à elle un nom nouveau, c’est-à-dire, l’humaine sagesse ; car les juges, qui auparavant jugeaient en la justice et en la crainte du Seigneur, sont maintenant changés et convertis en superbe, et trompent les hommes simples.

Ils désirent d’être éloquents afin d’obtenir la louange des hommes ; ils disent des choses qui plaisent à l’oreille des auditeurs, afin d’avoir de la faveur et du support ; ils sèment des paroles douces et emmiellées, afin d’être appelés doux et débonnaires ; ils reçoivent des présents et pervertissent le jugement ; ils sont sages pour leur profit temporel et pour leur propre volonté, mais ils sont muets à ma louange ; ils marchent sur le pied des simples et les rendent muets ; ils étendent leur convoitise sur tous, et d’une bonne cause, ils en font une mauvaise. Maintenant, cette sagesse est aimée et chérie, mais la mienne est mise en oubli.

Or, les défenseurs de l’Église, qui en sont les gardiens et les soldats, voient mes ennemis et les persécuteurs de mon Église, et le dissimulent ; ils entendent les paroles de reproches qu’ils me font, et ne s’en soucient pas ;ils entendent et sentent les œuvres de ceux qui contreviennent à mes commandements, et toutefois, ils le supportent patiemment ; ils regardent tous les jours ceux qui commettent librement tous les péchés mortels, et n’en sont point touchés ; mais ils dorment et conversent avec eux, et par serment, ils se lient à leur compagnie.

Mais ceux qui travaillent (qui sont tout une communauté), rejettent mes commandements, retiennent mes dons et mes décimes ; ils offrent des dons à leurs juges pour les corrompre, et leur portent de l’honneur, afin qu’ils les trouvent faciles et bienveillants. Vraiment, je puis dire hardiment que le glaive de ma colère et de mon église est méprisé dans le monde, et qu’à sa place, on a pris l’argent.