Jésus-Christ, parlant à son épouse sainte Brigitte , dit qu’elle ne se doit pas troubler de ce qu’il ne fait soudain la justice sur l’homme , qui est un grand et détestable pécheur, d’autant qu’il diffère sa sentence, afin que sa justice soit manifestée en l’exécution. Il dit aussi que les paroles de ses révélations doivent croître et fructifier jusques a la pleine maturité, et puis, elles produiront leur effet et leur vertu dans le monde. Ces paroles sont comme de l’huile en la lampe , c’est-à-dire en l’âme vertueuse , par lesquelles elle est engraissée ; et le Saint-Esprit survenant , elles la font éclater de lumière et brûler d’amour. Il ajoute encore que ces révélations seront quelque temps cachées , et puis elles fructifieront plus ailleurs qu’au royaume de Suède , où elles ont commencé d’être faites à l’épouse sainte Brigitte.
Chapitre XII

Le Fils de Dieu parle, disant : Pourquoi vous troublez-vous , ô mon épouse, si je supporte si patiemment ce religieux ? Ne savez-vous pas combien il est cruel de brûler éternellement ? C’est pourquoi je le souffre jusques au dernier point de sa vie , afin qu’en lui ma justice soit manifestée ; c’est pourquoi comme les herbes qui servent à faire des couleurs , si elles sont moissonnées avant le temps, n’ont point la force ni la vivacité de colorer vivement, comme elles l’auraient eue, si elles eussent été fauchées à leur temps et saison , de même mes paroles, qui doivent être manifestées avec justice et miséricorde, et doivent fructifier jusques à l’entière plénitude et maturité , ou lors , par ma vertu, coloreront mieux les sujets auxquels elles seront appliquées.

Pourquoi vous troublez-vous aussi qu’il se défie de mes paroles , si ce n’est qu’on lui montre des signes plus évidents ? Eh quoi ! l’avez-vous engendré, ou connaissez-vous son intérieur comme moi ? Il est certainement comme une lampe ardente et luisante, en laquelle l’huile étant mise , soudain le feu brûle la mèche. Celui-ci est aussi une lampe de vertus disposée pour recevoir la grâce divine. Je verserai bientôt en lui mes paroles, et elles se liquéfieront et se fondront dans son cœur avec perfection. Et qu’est-il de merveille si là l’huile se fond et si elle fait brûler la lampe ? Ce feu, c’est mon Esprit qui est et parle en vous , et ce même Esprit est et parle en lui , bien que d’une manière plus occulte et plus utile pour lui. Ce feu allume la lampe de son cœur pour travailler pour mon amour , et allumer l’âme pour recevoir mes grâces et mes paroles , desquelles l’âme est plus profondément touchée et plus pleinement engraissée , quand on vient aux œuvres.

Partant , ne craignez point , mais demeurez constamment en la foi. Si ces paroles venaient de votre esprit ou de l’esprit de ce monde, vous les devriez craindre à bon droit ; mais puisqu’elles sont de mon Esprit, que les saints prophètes ont eu, il ne faut pas que vous craigniez, mais que vous vous réjouissiez , si ce n’est que peut-être vous craigniez plutôt la vanité du nom du monde que l’attouchement de mes divines paroles.

Ecoutez encore ce que je dis : Ce royaume est mêlé avec un grand péché impuni depuis longtemps , c’est pourquoi aussi mes paroles n’y peuvent fructifier, comme je vous le déclarerai main-tenant par une similitude. Si le noyau était planté en terre , sur lequel on mettrait un grand faix lourd et pesant, il l’empêcherait de monter ; le noyau, étant bon, ne pouvant pousser en haut, pousserait en bas, et étendrait fort profondément ses racines ; et après , non-seulement il porte de bons fruits, mais encore il anéantit tout ce qui s’oppose à son ascendant, et s’étend par-dessus son poids. Ce noyau signifie ma parole , qui ne peut fructifier en ce royaume , à raison , du péché ; elle profitera plus ailleurs, jusques à ce que l’endurcissement de cette terre et de ce royaume, ma miséricorde croissant, soit ôté.