Pour le jour de la sainte Pentecôte.
Je suis celui qui vous parle à vous, qui, un tel jour, ai envoyé à mes apôtres
le Saint-Esprit, qui est venu à eux en trois manières :
1-comme un torrent ;
2-comme un feu ;
3- en espèce de langues.
Or, il est venu à eux, les portes étant closes, d’autant qu’ils étaient retirés,
et ils avaient trois sortes de biens, car
1-ils avaient la volonté de garder la chasteté et de vivre chastement en tout ;
2- ils avaient une profonde humilité ;
3- tout leur désir était envers Dieu, d’autant qu’ils ne soupiraient qu’après
lui.
Ils étaient comme trois vases purs et vides, c’est pourquoi le Saint-Esprit
descendit en eux et les remplit. Il vint comme un torrent, les remplissant
entièrement de sa douceur et de sa divine consolation. Il vint comme un feu, car
il enflamma tellement leurs cœurs des ferveurs du divin amour, qu’ils n’aimaient
et ne craignaient que Dieu. En troisième lieu, il vint en espèce de langues, car
comme la langue est dans la bouche, et que néanmoins elle ne nuit point la
bouche, mais est utile pour parler, de même le Saint-Esprit, étant dans leurs
âmes, ne leur faisait désirer autre que lui-même ; la sapience divine les avait
rendus éloquents, la vertu du Saint-Esprit, faisant l’office de la langue,
disait toute vérité.
Donc, ces vases, étant vides, et d’ailleurs, grandement désireux, furent dignes
de recevoir le Saint-Esprit, car il n’entre point en ceux qui sont remplis et
pleins. Or, ceux-là sont remplis qui ont leur cœur rempli de péchés et de
vilenies, et ceux-là sont comme trois vases sales :
le premier est plein de fiente si puante des hommes que personne n’en peut
souffrir la puanteur ;
le deuxième est plein comme de la corruption et pollution très-vile, que
personne ne peut goûter ;
le troisième est plein de sang très-corrompu et pourri, que pas un ne peut
regarder à raison de l’abomination.
De même les méchants sont pleins des abominations et des cupidités du monde, qui
sont puantes devant ma face et devant celles de mes saints, bien plus que la
fiente des hommes, car que sont les choses temporelles, sinon fiente ? Les
misérables se plaisent en cette méchante vilenie.
Au deuxième vase, il n’y a que luxure et incontinence en toutes ses œuvres ;
cette incontinence m’est plus amère que la corruption. Je ne souffrirai point
cela, et encore moins entrerai-je en eux par ma grâce. Comment pourrais-je, moi
qui suis la pureté même, entrer en ces corrompus ? Comment moi, qui suis le vrai
feu de la vraie dilection, enflammerais-je ceux qu’un grand feu de luxure
enflamme?
Le troisième est de superbe : elle m’est comme un sang corrompu, car c’est elle
qui corrompt les hommes au-dedans et au dehors, ôte la grâce que Dieu donne, et
rend l’homme abominable devant Dieu et le prochain. Or, celui qui sera rempli de
la sorte, ne pourra être rempli de la grâce du Saint-Esprit.
Or, je suis comme un homme qui a du vin à vendre, lequel, en voulant boire, en
donne plutôt à ses amis et à ses familiers pour le goûter, et après, le fait
crier par les carrefours, disant que ce vin est bon, que qui en voudra vienne :
de même, j’ai un vin très-bon, c’est-à-dire, une douceur ineffable, laquelle
j’ai fait goûter à mes amis, qui ont ouï les paroles qui procèdent de ma bouche.
Entre tous ceux qui croyaient que le vin était bon, était celui qui est venu à
moi ce jourd’hui, ayant comme trois vases à remplir, car il est venu ayant la
volonté d’être continent, de se retirer de la vanité, de s’humilier profondément
et de désirer tout ce qui me plaît.
C’est pourquoi j’ai aujourd’hui rempli ses vases, car 1. il sera plus éclatant
par ma sapience divine, plus éclairé pour comprendre mes mystères, et plus
prompt à la contemplation qu’auparavant. 2. Je l’ai rempli de charité, et il
sera plus fervent que jamais à tout bien. 3. Je lui ai donné une crainte
discrète, de sorte qu’il ne craint que moi et ne cherche que ce qui me plaît.
Afin donc qu’il sache appeler les autres à goûter mon vin, qu’il écoute les
paroles que j’ai prononcées, qui sont écrites, afin qu’ayant oui combien je suis
charitable et juste, il ait autant de soin d’appeler les autres à goûter la
douceur de mon vin incomparable.
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