Jésus-Christ dit à sa Mère que les hommes aveugles d’esprit peuvent recouvrer la vue, de sorte qu’ils pourront voir Dieu et l’aimer par-dessus tout en trois choses : en la considération de la justice temporelle, de la bonté, savoir, par la beauté des créatures, et de la toute-puissance et sapience. Or, tous ceux qui croient que le mal et le bien viennent des constellations des astres, se trompent.
Chapitre 45

La Sainte Vierge Marie parle : Béni soyez-vous, ô mon Fils, mon Dieu et mon Seigneur ! Bien que je ne puisse m’attrister, néanmoins, j’ai compassion du genre humain, de trois choses : 1- d’autant que l’homme a des yeux et est aveugle, car il voit sa captivité et la suit ; il se moque de votre justice, et il rit quand il satisfait à sa cupidité ; il tombe en un point dans les peines éternelles, et il perd la gloire qui n’a point de fin.

2- J’ai compassion de l’homme, d’autant qu’il affecte et regarde avec joie la monde, ne considère point votre miséricorde, cherche ce qui est petit et rejette tout ce qui est grand.

3- Je compatis, d’autant que vous étant Dieu de tous, néanmoins votre honneur est oublié et négligé de tous, et vos œuvres sont mortes devant eux : partant, ô mon Fils très-doux, ayez miséricorde d’eux.

Le Fils répondit : Tous ceux qui sont au monde et qui sont de bonne conscience voient qu’au monde la justice règne, par laquelle les pécheurs sont punis. Si donc les excès corporels sont punis des hommes par la justice, combien plus il est juste que l’âme immortelle soit punie de Dieu immortel ! L’homme pourrait voir et entendre ceci, s’il voulait ; mais d’autant qu’il tourne ses yeux vers le monde et ses affections à ses voluptés, c’est pourquoi il suit la nuit, comme l’homme suit les biens fugitifs et a à haine les biens permanents.

En second lieu, l’homme peut voir et considérer, s’il veut, que, s’il y a de la beauté dans les plantes, les arbres ; que si, en ce qui est au monde, il y a quelque chose désirable, combien plus Dieu est beau et désirable, le Seigneur et Créateur de toutes choses ! Que si la gloire temporelle, passagère et périssable, est désirée avec tant d’ardeur, combien plus est désirable la gloire éternelle ! Cet homme pourrait voir cela, car il a bien l’intelligence pour comprendre que ce qui est plus grand et plus excellent doit être plus aime que ce qui est moindre et ce qui ne vaut guère. Mais d’autant que l’homme penche toujours aux choses inférieures, comme les animaux irraisonnables, bien qu’il doive tendre et regarder toujours en haut, c’est pourquoi toutes ses œuvres sont comparées à la toile d’araignée. Il laisse la beauté des anges ; il suit les choses passagères, c’est pourquoi il fleurit comme le foin pour peu de temps, et tombe aussi bientôt comme le foin.

En troisième lieu, ils savent en conscience, et certes, ils ont créé afin de connaître qu’il y a un Dieu, créateur de toutes choses, car s’il n’y avait pas un créateur d’icelles, tout ce qui est réglé serait en désordre, quoique toutes choses soient bien réglées, excepté celles que l’homme déréglé ; et bien qu’il semble aux hommes qu’en l’ordre de la nature, il y a du dérèglement, d’autant qu’il ignore le cours des planètes et le cours du temps, d’autant que Dieu les leur a cachés à raison des péchés. Si donc, il y a un seul Dieu, et celui-là bon, d’autant que tout bien dépend de lui, pourquoi l’homme ne l’honore-t-il pas par-dessus tous, puisque la raison lui dicte qu’il doit être honoré par-dessus tous, puisque tout dépend de lui?

Mais l’homme, comme vous avez dit, a deux yeux, et il ne voit rien, voire lui-même s’aveugle par les blasphèmes malheureux, d’autant qu’il rapporte aux étoiles la bonté ou le malheur des hommes, ou bien au destin et à la fortune, l’évènement des choses prospères ou adverses, comme si en eux, il y avait quelque chose de divin qui pût engendrer ou faire quelque chose, bien que le destin ou la fortune ne soit rien pour tout, car la disposition de l’homme et de toutes choses a été prévue en la prescience divine, et est conduite constamment selon l’exigence de chaque chose ; certainement les étoiles ne font pas que l’homme soit bon ou mauvais, bien qu’on voie en icelles plusieurs choses raisonnables, savoir est, selon les conditions et qualités de la nature et l’exigence des saisons. Les hommes pourraient-ils, s’ils voulaient, prévoir ces choses?

La Mère de Dieu répondit : Tout homme qui a bonne conscience entend fort bien que Dieu est plus aimable que toute autre chose, et qu’il doit témoigner cela par œuvres ; mais d’autant qu’une membrane a couvert ses yeux, bien que la paupière soit saine, c’est pourquoi ils n’y voient pas tous. Mais qu’est-ce que cette membrane signifie, sinon la considération des choses futures, qui a couvert la connaissance de plusieurs.

Partant, je vous supplie, ô mon très-cher Fils, de vouloir manifester à quelqu’un quelle est votre justice, non pas afin que sa honte et sa misère s’accroissent, mais afin que la peine qu’il mérite soit diminuée, et afin qu’on connaisse et qu’on craigne votre justice ; car là où le sac est plein de quelque chose, et où le vase est plein de lait, l’homme ne saura ce qui y est contenu, s’il ne le vide, de même, bien que votre justice soit grande, si vous ne la manifestez par un manifeste jugement, elle sera crainte de peu, d’autant que vos œuvres admirables se sont avilies par la longueur du temps et par la grandeur des péchés.

En deuxième lieu, je vous supplie qu’il vous plaise manifester votre miséricorde par quelqu’un de vos chéris pour la dévotion des autres et pour la consolation des misérables.
En troisième lieu, je vous supplie que votre nom soit honoré, afin que les diligents le connaissent et que les tièdes en soient allumés.

Le Fils répondit : Où plusieurs amis entrent et prient, ils sont dignes d’être exaucés : combien plus quand une très-chère dame entre ! Qu’il soit donc fait comme vous désirez. Ma justice sera si évidemment manifestée, que les membres de ceux qui l’expérimenteront, et desquels les œuvres viendront en public, trembleront.

En deuxième lieu, je donnerai à une personne miséricorde, autant qu’elle en pourra prendre et qu’elle en aura besoin ; son corps sera exalté et son âme glorifiée, en sorte que ma miséricorde en sera manifestée.

Après, la Mère de Dieu parla, disant : Les lieux des religieux sont éloignés du bien ; ils sont fondés sur la glace ; leur fondement était autrement d’or très-pur. Dessous ces lieux, il y a une cave très vaste. Quand la chaleur du soleil sera en vigueur, la glace fondra, et ce qui a été édifié tombera dans l’abîme. Partant, ô mon Fils, ayez miséricorde d’eux. La chute est horrible ; les ténèbres et les peines y sont sans fin.