Sainte Brigitte prie la Sainte Vierge disant : Oh ! que Dieu est doux ! Ceux qui
le prient ressentent de la consolation en toutes leurs douleurs. Partant, ô
très-bénigne Mère, je vous supplie d’arracher de mon cœur toutes les affections
des choses du monde, en sorte que votre très-cher Fils soir mon très-cher et
bien-aimé jusques à la mort.
La Mère répondit : D’autant que vous désirez avoir chèrement mon Fils, suivez
les paroles que lui-même a proférées en l’Évangile : Matthieu 18. V. 21
1- Ce que j’ai dit au riche : Vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et
suivez-moi.
2- Ne soyez point soigneux du lendemain.
3- Voyez comme les passereaux sont repus : combien plus le Père céleste repaîtra
les hommes !
4- Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
5- Cherchez en premier lieu le royaume de Dieu.
6- Vous tous qui avez faim, venez à moi, et je vous réfectionnerai.
Certainement, celui-là semble vendre tout, qui ne se conserve que la substance
nécessaire pour la nourriture de son corps, et distribue le reste aux pauvres
pour l’honneur de Dieu, et non pour l’honneur du monde, à l’intention d’avoir
l’amitié avec Dieu, comme il apparaît en saint Grégoire, et en autres rois et
princes qui ont été aimés de Dieu, bien qu’ils eussent des richesses et en
donnassent aux autres, comme ceux qui ont laissé toutes choses tout d’un coup
pour servir Dieu, mendiant après les autres ; car ceux qui ont eu les richesses
seulement pour l’honneur de Dieu, s’en fussent librement privés, si la volonté
de Dieu eût été telle.
Or, les autres ont embrassé une autre sorte de pauvreté,
laquelle ils désiraient pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi à tout homme qui
a des biens justement acquis, ou bien des pensions, il est permis d’en recevoir
les fruits pour son entretien, pour sa famille et pour la gloire de Dieu, et
qu’il donne le superflu aux amis de Dieu. En deuxième lieu, il ne doit se
soucier du lendemain, car bien que vous n’ayez que le corps nu, espérez en Dieu,
et celui qui nourrit les passereaux vous nourrira, puisqu’il vous a rachetée de
son sang.
Je lui répondis : O Dame très-chère, qui êtes belle, riche et vertueuse : belle,
d’autant que vous n’avez jamais péché ; riche, d’autant que vous êtes très-aimée
de Dieu ; vertueuse, d’autant que vous êtes parfaite en toutes vos œuvres :
partant, oyez-moi, ô ma Dame, moi qui suis riche de péchés et pauvre de vertus.
Nous avons ce jourd’hui le vivre et ce qui nous est nécessaire ; demain nous ne
manquerons. Comment donc pourrions-nous être sans soins, quand nous n’avons rien
? car bien que l’âme ait ses consolations de Dieu, l’autre néanmoins, qui est le
corps, désire et appète sa vie.
La Sainte Vierge répondit : Si vous avez quelque chose de superflu et dont vous
vous puissiez passer, vendez ou engagez-le, et vivez sans soins.
Je lui répondis : Nous avons des vêtements dont nous nous servons la nuit et le
jour, et peu de vaisselle pour notre table. Le prêtre a trois livres, et avons
pour la messe un calice et les autres ornements.
La Sainte Vierge repartit : Le prêtre ne doit pas être sans livres, ni vous sans
messes, ni on ne doit dire la messe sans ornements très-purs. Votre corps ne
doit point être nu, mais revêtu pour les hontes et pour éviter le froid,
partant, vous avez besoin de toutes ces choses.
Sainte Brigitte répondit : Ne dois-je pas emprunter de l’argent pour quelque
temps?
La Mère répondit : Si vous êtes assurée de la rendre à temps fixe, empruntez-en,
et non autrement, car il vous profite beaucoup plus de ne manger de tout un jour
que d’exposer votre foi à l’incertitude.
Et moi, je lui dis : Ne dois-je pas travailler pour gagner ma vie?
La Mère lui repartit : Qu’est-ce que vous faites tous les jours et maintenant?
J’apprends la grammaire, j’écris et je prie.
Lors la Mère dit : Il ne faut laisser tel travail corporel.
Et moi, je lui dis : Et qu’aurons-nous pour vivre demain?
La Mère dit : Demandez-en au nom de Jésus, si vous n’avez autre chose.
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