La Sainte Vierge , parlant, disait : Béni soyez-vous, mon Fils très-cher , qui
êtes sans principe et sans fin ! En vous sont la sapience, la puissance et la
vertu. Vous avez manifesté votre puissance en la création du monde , le créant
de rien ; votre sapience en la disposition, ayant rangé et ordonné sagement tout
ce qui est au ciel , sur la terre et dans la mer ; votre vertu , quand vous avez
été envoyé en mes entrailles. Vous avez encore la miséricorde et la justice.
Vous avez manifesté votre sapience divine, quand vous avez disposé toutes choses
miséricordieu-sement, quand vous avez combattu et abattu le plus fort. Vous
avez montré votre vertu en votre miséricorde et justice, quand vous avez voulu
naître de moi et racheter celui qui pouvait tomber de soi, mais non pas se
relever sans vous.
Le Fils répondit : Bénie soyez-vous, Mère du Roi de gloire et Reine des anges !
Vos paroles sont vraies et très-douces. Vous avez bien dit que je fais toutes
choses en miséricorde et en justice.
Cela a paru, en la création du monde, ès anges qui ont été créés : en cet
instant, ils virent en leur conscience quel j’étais , bien qu’ils ne me
goûtassent point : d’où vient que quelques-uns, se servent fort bien de la
liberté de leur volonté, résolurent de demeurer fermement en la charité selon ma
volonté ; les autres se rendirent orgueilleux , tournèrent leur volonté contre
moi et contre la raison.
Partant, il était juste que les superbes tombassent, que les justes goûtassent
ma douceur et qu’ils fussent plus fortement affermis. Après, afin de montrer ma
miséricorde et que le lieu de ceux qui tombent ne fût vide, j’ai fait l’homme en
terre, poussé par mon amour , lequel aussi , tombant par sa propre faute ,
perdit le premier bien et fut privé de la douceur ; mais à raison de ma
miséricorde, il n’a pas été totalement délaissé ; mais la justice voulut que,
comme il s’était retiré, par le libéral arbitre, de ma première institution, il
y retournât aussi par celui qui n’aurait point de péché, mais une souveraine
pureté. Mais on ne trouvait aucun qui pût satisfaire à la divine justice, et
moins au salut des autres, ni il n’y en avait aucun né exempt de péché à raison
de la première rébellion ; néanmoins Dieu, par sa grande miséricorde , ne
manquait pas de créer les âmes en la chair , afin qu’après elle
fussent affranchies du péché par celui qui serait impeccable et qui pourrait
satisfaire à tout, et afin que le diable n’eut un sujet perpétuel de se réjouir
de cette chute.
Partant , le temps étant arrivé que Dieu avait prévu de toute éternité , il plut
à Dieu le Père d’envoyer son Fils en vos saintes entrailles, prendre chair
humaine et le sang, pour deux raisons : 1° afin que l’homme ne servît autre que
son Dieu , Créateur et Rédempteur ; 2° afin qu’il manifestât l’amour infini
qu’il avait envers l’homme et la justice, car n’ayant en rien péché , il mourut
d’amour , afin que ceux qui étaient captifs fussent justement affranchis.
Partant, ô ma Mère très-chère , vous avez bien dit que j’ai fait toutes choses
en miséricorde et en justice. Bénie soyez-vous, vous qui avez été si douce qu’il
a plu à la Divinité de venir en vous et de ne se séparer jamais de vous!
Vous avez été comme une maison très-pure et très-nette , parfumée de l’odeur des
vertus , embellie d’un éclat extra-ordinaire. Vous avez été brillante comme une
étoile luisante qui brûle sans se consumer : vous avez brûlé du feu de l’amour
sans vous consumer. Vous êtes justement appelée pleine de charité et de
miséricorde , car toute la charité fleurit par vous, et tous trouvent par vous
la miséricorde , d’autant que vous avez enveloppé et enserré en vous l’auteur de
miséricorde, et vous feriez en quelque sorte miséricorde au diable , s’il la
demandait humblement ! Je vous donnerai donc tout ce que vous me demanderez et
désirerez.
La Mère répondit : Mon Fils, ma demande vous est connue de toute éternité.
Partant afin que cette épouse entende ce qui est spirituel, je vous supplie que
les paroles que vous m’avez dites soient enracinées ès cœurs de vos amis, et
sortent à leur dernière perfection.
Le Fils repartit : Bénie soyez-vous de tous les citoyens célestes ! Vous êtes
comme une aurore qui s’élève en un amour tout plein de vertus. Vous êtes comme
un astre qui va au soleil, qui précède ma justice par sa piété . Vous êtes une
sage médiatrice pacifiant les dissensions des hommes et de Dieu même ; c’est
pourquoi votre demande sera exaucée , et mes paroles seront accomplies, comme
vous voulez. Mais d’autant que vous voyez et savez tout en moi, indiquez et
signifiez à mon épouse en quelle manière ces paroles doivent profiter au monde,
et comment elles doivent être publiées avec miséricorde et justice.
Je suis comme cet oiseau qui ne désire manger que le cœur récent des autres
oiseaux, ni boire que le sang ; il a la vue si claire qu’elle pénètre en volant
si les autres oiseaux ont leur cœur pur , sinon il ne les arrête point. Je suis
un tel oiseau. Je ne désire qu’un cœur tout récent et tout nouveau ,
c’est-à-dire , l’âme de l’homme toujours nouvelle et récente en bonnes œuvres
d’amour , ce que je désire prendre pour ma boisson.
Ma réfection n’est qu’une fervente charité envers Dieu et une âme amendée de ses vices. D’autant donc que
je suis la charité et la justice, et n’en désire d’autre que la charitable ,
c’est pourquoi mes paroles doivent entrer dans le monde avec charité et justice,
de sorte néanmoins que l’homme ne me serve pas pour la seul crainte , ni qu’il
ne soit pas aussi attiré à me servir par quelque désir charnel , mais par un
amour divin, qui provient de la considération intime de mes œuvres et de la
souvenance de ses péchés , car ces deux choses, étant souvent considérées , nous
excitent à l’amour et à trouver Dieu digne de tout bien. Mes paroles doivent
encore entrer avec charité miséricordieuse , afin que l’homme considère que je
suis prêt à faire miséricorde , afin que l’homme connaisse son Dieu, qu’il
avait négligé, voyant qu’il fait les hommes pécheurs des saints.
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