L'épouse Sainte Brigitte, en oraison, parlait à Jésus-Christ, lui disant
humblement : O mon Seigneur Jésus-Christ, je me confie si fermement en vous, que
je croirais que même, si un serpent était couché auprès de ma bouche, il n'y
entrerait point, à moins que vous le permissiez pour mon bien.
Saint Jean-Baptiste lui répondit : Celui qui vous apparaît est Fils de Dieu,
duquel le Père, comme je l'entendis, porta témoignage, disant : Celui-ci est mon
Fils. C'est celui duquel le Saint-Esprit procède, et du Père, qui apparut sur
lui en forme de colombe, lorsque je le baptisais. C'est celui qui est, selon la
chair, le vrai Fils de la Vierge, dont j'ai touché de mes mains le corps. Croyez
donc fermement et entrez dans ses voies, car c'est lui qui a montré les voies
droites pour monter au ciel, par lesquelles le pauvre et le riche peuvent y
monter.
Mais vous me demanderez comment le riche doit être disposé pour entrer au ciel,
puisque Dieu même a dit qu'il est plus facile qu'un chameau entre par le trou
d'une aiguille que le riche entre dans les cieux. Je vous réponds à cela : Le riche, qui est disposé en cette sorte qu'il ne
veuille rien en soi de mal acquis ; qui est soigneux que ses biens ne se
dépensent inutilement et contre Dieu ; qui, les possédant à regret, en désire
librement séparer l'affection et l'honneur mondain qui lui en reviennent ; qui
se trouble de la perte des âmes et du déshonneur qu'on rend à Dieu ; et bien
qu'il soit contraint par la dispense divine d'aimer en quelque manière le monde,
néanmoins, veille de toute son intention à l'amour de Dieu : un tel riche est
fructueux, heureux et cher à Dieu.
Mais cet évêque dont nous parlons n'est pas riche de la sorte, car de fait, il
est semblable à un singe qui a quatre conditions :
1° on lui fait des vêtements qui le couvrent entièrement, hormis les parties
honteuses;
2° il touche de ses doigts les choses puantes ;
3° il a seulement la face humaine et tout le reste bête ;
4° bien qu'il ait des pieds et des mains, il foule de ses doigts la boue.
De même l'évêque insensé est comme le singe, curieux en la vanité du monde,
difforme dans les œuvres louables, car il a ses vêtements, c'est-à-dire, les
ordres épiscopaux, qui sont grandement honorables et précieux devant Dieu. Mais
ses hontes paraissent toutes nues, attendu que la légèreté de ses mœurs et ses
affections brutales se manifestent aux hommes à la ruine des âmes ; contre ceci,
dit ce chevalier généreux, que les hontes des hommes ont plus d'honnêteté,
marquant en cela que les mouvements brutaux des ecclésiastiques doivent être
cachés par l'éclat des bonnes œuvres, de peur que leur exemple ne scandalise les
infirmes.
Le singe aussi sent et touche ce qui est puant. Qu'est-ce que le doigt fait,
sinon montrer ce qu'on a vu? comme moi, voyant Jésus-Christ en son humanité, je
dis : Voici l'Agneau de Dieu. Les doigts donc d'un évêque ne sont autre chose
que les mœurs louables avec lesquelles il doit montrer la justice divine et la
charité. Mais maintenant, il montre par les œuvres qu'il est riche et généreux,
sage du monde et prodigue d'argent. Or, que signifient ces choses, sinon porter
ses doigts aux choses puantes ? car se glorifier de la chair et du sang d'une
nombreuse et féconde famille, qu'est-ce autre chose, sinon se glorifier des sacs
enflés ?
Le singe aussi a une face humaine, mais le reste est en forme de bête : de même
celui-ci a son âme enrichie d'un caractère divin, mais elle est enlaidie par sa
cupidité.
Quatrièmement, comme le singe touche et foule la terre boueuse avec les pieds et
avec les mains, de même celui- ci ne désire que la terre en ses œuvres et en ses
mains, détournant ses yeux du ciel, et les tournant vers la terre, comme un
animal oublieux. Une telle personne pourrait-elle apaiser l'ire de Dieu ?
Nullement, mais elle provoque davantage et attire sur elle la justice divine.
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Cette révélation a été faite à un légat cardinal, l'an du jubilé, etc. Le Fils
de Dieu parle en ces terme : O contentieux superbe ! où sont maintenant vos
pompes et le riche apparat de vos chevaux ? Vous n'avez pas voulu entendre quand
vous étiez en honneur, c'est pourquoi maintenant vous êtes sans honneur. Dites
donc, bien que je sache toutes choses, en la présence de cette épouse, ce que je
vous demande.
Et soudain, une personne tremblante et nue apparut misérablement enlaidie, et le
juge lui dit : O âme, vous avez été posée au peuple en chandelier de lumière :
pourquoi ne reluisez-vous pas par paroles et par exemple ? L'âme lui répondit :
Je ne l'ai ni entendu ne conçu, d'autant que votre amour a été arraché de mon
cœur. J'allais comme un homme sans mémoire, et comme un vagabond après les
choses présentes, sans regarder ni considérer les choses futures.
Cela ayant été dit, l'âme fut privée de la lumière des yeux. Et un Ethiopien,
qui était là, dit : O juge, cette âme est à moi :qu'en ferai-je ?
Le Juge répondit : Purifiez-la, et examinez-la comme si elle était en la
presse, jusqu'à ce que le consitoire soit assemblé, dans lequel on ballottera
les allégations des amis et des ennemis.
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