La Sainte Vierge Marie parle, disant : Béni soit votre nom, ô mon Fils ! Vous
êtes le Roi de gloire et le Seigneur tout-puissant, ayant la miséricorde avec la
justice. Votre corps, qui a été engendré et nourri en mon ventre sans péché, a
été aujourd’hui consacré pour cette âme. Je vous prie donc, ô mon très-cher Fils
! Qu’il profite à son âme et que miséricorde lui soit faite.
Le Fils répondit : Béni soyez-vous, ô ma Mère, bénie de toute créature, d’autant
que votre miséricorde est infinie ! Je suis semblable à l’homme qui a acheté à
grand prix un petit champ de cinq pieds dans lequel était caché le bon or. Ce
champ est l’homme qui a cinq sens, que j’ai acheté et racheté par mon sang, dans
lequel il y avait un or précieux, c’est-à-dire, l’âme créée par ma Divinité,
laquelle est maintenant séparée du corps et demeure seule en terre. Ses
successeurs sont semblables à un homme puissant qui, allant au jugement, crie au
bourreau : Séparez avec le couteau la tête de son corps ; ne permettez point
qu’il vive plus ; ne pardonnez point à son sang. De même en font-ils, car ils
vont comme au jugement, quand ils prient pour l’âme de leur père ; mais on crie
au bourreau : Séparez leur tête du corps.
Qui est ce bourreau que le diable, qui sépare de son Dieu l’âme qui consent à ses suggestions ? Ils lui crient :
Séparez, quand, ayant méprisé l’humilité, ils font par superbe le bien pour
l’âme ou pour l’honneur du monde, plus que par charité et amour de Dieu.
Par la superbe, Dieu est séparé de l’homme et est uni à lui par l’humilité, car
ils crient : Ne souffrez pas qu’ils vivent longtemps, quand ils ne se soucient
point de bien faire pour le mort ; ils crient qu’il ne faut pardonner au sang,
quand ils ne se soucient point de soulager sa grande peine, ni ne se soucient du
temps qu’il y demeurera, pourvu qu’ils puissent accomplir leurs volontés ; ils
ne se soucient de rien plus, tant ils sont liés aux honneurs du monde et
réputent à peu ma passion.
Lors la Sainte Vierge répondit : J’ai vu votre justice, ô mon Fils, grandement
sévère, à laquelle je ne m’adresse point, mais bien à votre infinie miséricorde.
Partant, pour l’amour de mes prières, ayez miséricorde de celui-ci : il disait
tous les jours les heures pour mon honneur, et n’imputez point à superbe les
biens que ses successeurs font pour lui : ils se réjouissent, et celui-ci pleure
et est puni sans consolation aucune.
Le Fils répondit : Bénie soyez-vous , ma Mère très-chère ! Vos paroles sont
toutes pleines de clémence et sont plus douces que le miel ; vos paroles
procèdent et sortent d’un cœur tout plein de miséricorde, c’est pourquoi vos
paroles ne prêchent que miséricorde.
Celui pour lequel vous priez aura trois sortes de miséricorde pour l’amour de
vous :
1- Il sera affranchi des mains des démons, qui l’affligent comme des corbeaux,
car comme les oiseaux, oyant quelque grand son, laissent la proie qu’ils
tiennent, à cause de la peur qu’ils ont, de même les diables quitteront, à cause
de la crainte qu’ils auront de vous, et ils ne la toucheront désormais ni ne
l’affligeront.
2- Cette âme sera transférée d’une peine plus ardente à une moins ardente ;
3- mes anges la consoleront ; elle n’est pas entièrement affranchie ; elle a
encore besoin de secours, car vous savez et voyez la justice qui est en moi, et
que personne ne peut entrer en la béatitude, s’il n’est purifié comme de l’or
par le feu ; partant, en son temps, pour l’amour de vos prières, elle sera
entièrement affranchie.
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