Le Père parle à son Fils, lui disant : Vous êtes semblable à l’époux qui a
épousé une épouse belle de face et honnête en ses mœurs, l’a introduite en son
lit nuptial et l’a aimée comme soi-même. De même vous, ô mon Fils, vous avez
épousé une épouse nouvelle, quand vous avez brûlé de tant d’amour et de charité
envers les âmes, que vous avez voulu être déchiré et mourir au gibet de la croix
pour l’amour d’elles, et les avez introduites en votre sainte Église, que vous
avez dédiée par votre sang, comme en un lit nuptial. Mais hélas ! son épouse est
maintenant adultère ; les portes du cabinet nuptial sont closes, et au lit de la
vraie épouse. L’adultère est couchée très-méchamment, qui s’entretient en ces
pensées : Quand mon mari sera endormi, dépouillé dans son lit, lors je lui
mettrai le poignard au sein et le tuerai, car il ne me contente point.
Or, qu’est-ce que l’âme signifie, sinon les âmes que vous avez rachetées de
votre sang, lesquelles, bien qu’elles soient plusieurs en nombre, ne sont
néanmoins qu’une épouse à raison de l’unité de la foi et de la charité, et
plusieurs d’icelles sont maintenant adultères, d’autant qu’elles aiment le monde
plus que vous, ô mon Fils ! Elles cherchent le plaisir d’autrui, et non le
vôtre. Les portes de votre cabinet nuptial, c’est-à-dire, de l’Église, sont
closes. Qu’est-ce que signifient les portes, sinon la bonne volonté, par
laquelle Dieu entre dans les âmes?
Elle est close comme ne contentant rien de bon, mais elles font la volonté de leurs ennemis, car tout ce qui leur plaît,
tout ce qui est délectable à leur corps, c’est tout ce qu’elles désirent,
honorent et poursuivent, et c’est ce qu’elles estiment être bon et saint. Mais
votre volonté, qui est ce que les hommes devaient choisir avec ferveur, désirer
avec ardeur et donner tout pour vous, est négligée et méprisée ; et aussi
quelques-unes, par aventure, entrent quelquefois en dedans des portes de vos
cabinets nuptiaux, mais ce n’est pas pour accomplir vos volontés, pour vous y
aimer de tout leur cœur, mais seulement par honte des hommes, de peur d’être
estimés iniques, et afin qu’elles ne soient reconnues publiquement ce qu’elles
sont devant Dieu.
Si donc la porte de votre lit nuptial est mal close, et il y a plus de plaisir à
fréquenter les adultères que vous, elles conspireront de vous tuer quand vous
serez couché en votre lit : en vérité, c’est lorsque vous leur avez paru tout
nu, quand vous avez reçu le corps des pures entrailles de la Sainte Vierge sans
laisser l’humanité ; et lorsqu’ils vous voient au saint et auguste sacrement,
ils pensent qu’il n’y a que le seul pain, bien que vous y soyez vrai Dieu et
vrai homme, que les yeux obscurcis des ténèbres du monde ne peuvent voir ne
pénétrer.
Vous leur semblez encore endormi quand vous les souffrez sans les punir, et
c’est ce qui les fait entrer impudemment dans votre temple, pensant en eux-mêmes
: J’entrerai et je recevrai le corps de Jésus comme les autres ; néanmoins, je
ferai ce que bon me semblera quand je l’aurai reçu, car que me profite ou
nuit-il de le recevoir ou de ne le recevoir pas ? Hélas ! qu’ils sont misérables
! car lors ils vous tuent en quelque manière dans leurs cœurs, afin que vous ne
régniez pas en eux, bien que vous soyez immortel, et en tout lieu, par la
puissance de votre Divinité.
Mais parce qu’il n’est pas décent que vous soyez sans une bonne épouse, c’est
pourquoi j’enverrai mes amis, afin qu’ils vous amènent une épouse très-pure,
belle, nouvelle, honnête en mœurs, désirable, et qu’ils l’introduisent en votre
lit nuptial. Or, ces miens amis seront aussi prompts que des oiseaux, d’autant
que mon Esprit les conduira ; ils seront forts comme ceux devant les mains
desquels les murailles sont renversées. Ils seront magnanimes comme ceux qui ne
craignent point la mort et sont prêts à donner leur vie. Ceux-ci vous amèneront
une épouse nouvelle, c’est-à-dire, les âmes de mes élus, et ce avec grand
honneur, éclat, dévotion et charité, avec labeur et persévérance invincible. Je
suis celui qui parle maintenant, qui ai crié au Jourdain et au désert : Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. Mes paroles seront bientôt accomplies.
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