Un grand seigneur selon le monde n’avait pas été à confesse depuis longtemps, et
tant qu’il différait d’y aller, il était malade. L’épouse, en ayant compassion,
priait pour lui. Mais Notre-Seigneur, apparaissant lors à l’épouse, lui parlait,
disant : Dites à votre confesseur qu’il visite ce malade et qu’il oie sa
confession.
Le confesseur étant arrivé auprès du malade, le malade lui dit qu’il n’avait
point besoin de confession, disant qu’il s’était souvent confessé.
Le lendemain, Jésus-Christ commanda que le confesseur y retournât. Il y
retourna, et le malade lui dit comme dessus.
Le confesseur y retournant le troisième jour par la révélation qui en avait été
faite à sainte Brigitte, lui dit : Jésus-Christ, Fils de Dieu, vous parle aussi
et le diable en cette manière : Vous avez en vous sept démons : l’un est au
cœur, le liant afin que vous n’ayez contrition de vos péchés. L’autre est aux
yeux, afin que vous ne voyiez ce qui est plus utile à votre âme. Le troisième
est en votre bouche, afin que vous ne disiez des paroles à l’honneur de Dieu. La
quatrième est ès parties inférieures, c’est pourquoi vous aimez toute sorte
d’impuretés. Le cinquième est en vos pieds et en vos mains, c’est pourquoi vous
ne craignez point de tuer et de dépouiller les hommes. Le sixième est dans votre
intérieur, c’est pourquoi vous êtes adonné à l’ivrognerie. Le septième est en
votre âme, où Dieu devrait être, et est son ennemi. Partant, faites au plutôt
pénitence, car Dieu vous sera encore propice.
Lors ce malade dit, les larmes aux yeux : Comment me pourriez-vous persuader que
Dieu me pardonnera, à moi qui suis enveloppé en tant et tant de crimes publics?
Le confesseur répondit : Je vous le jure, et je l’ai expérimenté, qu’encore que
vous eussiez commis les plus grands crimes du monde, vous pouvez être sauvé par
la sainte confession et la contrition.
Il dit encore en pleurant : Je désespère du salut de mon âme, d’autant que j’ai
fait hommage au diable qui m’apparut souvent ; c’est pourquoi je ne me suis
jamais confessé, bien que j’aie soixante ans, ni n’ai jamais reçu le corps de
Jésus-Christ, mais je feignais d’avoir des affaires, quand il y fallait aller.
Or, maintenant je confesse que je ne sache jamais avoir eu des larmes de cette
manière.
Ce jour-là il se confessa quatre fois, et le lendemain il communia, après s’être
encore confessé. Après cela, il mourut le sixième jour.
Jésus-Christ, parlant de ce pécheur à son épouse, lui dit : Cet homme servait
un larron, le péril duquel je vous ai montré ci-dessus, et le diable se retire
maintenant de lui à qui il faisait hommage, et cela à raison de la contrition
qu’il a eue, et maintenant il va se purifiant, et le signe de son
affranchissement fut la contrition finale.
Mais vous me pouvez demander comment pouvait mériter la contrition celui qui
était plongé en tant de crimes. Je vous réponds : Ma dilection l’a fait et voulu
ainsi, car j’attends la conversion des hommes jusques au dernier point de leur
vie, et le mérite de ma Mère y a aidé ; car bien que cet homme ne l’ait pas
aimée de cœur, néanmoins, d’autant qu’il avait accoutumé d’avoir compassion de
sa douleur, tout autant de fois qu’il l’oyait nommer et la considérait, c’est
pourquoi il a trouvé le salut et il est sauvé.
|